Atterrissage tout en douceur sur une piste de l'aéroport
Roissy Charles de Gaulle.
Nous avons beau faire le plus vite possible, une fois les bagages récupérés
(à 23h10, heure française), nous ne parvenons pas à
temps pour monter dans le dernier TGV pour Lille où ma sur
nous attend. A cette heure-ci, la plupart des bureaux sont fermés,
l'aéroport est désert. Nous croisons juste des militaires
avec mitrailleuses. Que faire ? Planter la tente au milieu de l'aéroport
? Nos bagages pèsent maintenant une tonne. Heureusement, des chariots
sont là pour nous aider un peu. Nous visitons alors l'aéroport
pendant une heure à la recherche d'un bureau Air France ouvert.
Nous prenons x ascenseurs pour finalement trouver une gentille demoiselle
qui nous invitera à nous poser dans un hôtel au frais de
la compagnie aérienne. Bonne nouvelle mais pour atteindre cet hôtel,
il nous faudra traîner nos bagages à la main, prendre une
navette.
C'est donc avec 2 de tension que nous nous couchons à plus de minuit.
Nous prenons un TGV le lendemain en milieu de matinée. 1h de trajet.
Ca passe très vite.
Ma sur et ma petite nièce sont là pour nous accueillir.
Elle a l'impression de ramasser 2 SDF. Nous faisons un peu "clodos"
avec nos cabas "roumains".
Gaël souffre d'un mal de ventre.
Nous voilà enfin arrivés sous un toit fixe pour quelques
jours.
Nous nous pesons : 5kg perdus pour Gaël et à peine 2kg pour
moi.
Première réaction de ma sur : elle nous propose de
laver tous nos vêtements. Elle insiste. Elle nous avoue que nous
puons. Mais malgré un bon lavage, la mauvaise odeur des vêtements
persiste.
Notre moral est en dent de scie : mélange de sentiments. Déception,
regret, colère, soulagement...
Le retour est difficile.
Les jours passent. Nous sommes tendus à la vue de la pluie et
du vent. Lors des premières nuits, nous dormons la fenêtre
et les volets ouverts. Nous attrapons un mal de gorge. Il faut se ré-acclimater
à l'air sèche des maisons de chez nous.
Je passe la première semaine à 9.6 de tension. Le médecin
nous prescrit tout un tas de médicaments contre ballonnements et
diarrhée. Gaël en est surchargé. Analyse de selles
et échographie sont au rendez-vous pour lui. Résultats :
rien de spécial malgré une douleur persistante.
Ce n'est qu'au bout de deux semaines que nous redescendons sur La Rochelle;
enfin d'abord Nieul-les-Saintes pour revoir les parents de Gaël puis
les miens. Gaël a meilleure allure: il est rasé et les cheveux
coupés. Mais ses parents le trouvent très amaigri.
Nos familles sont soulagés de nous revoir. Les questions fusent.
- "Alors, racontez !!! Nous sommes persuadés que vous n'avez
pas tout raconté dans vos récits !"
- "Et bien, si. Nous avons essayé de retranscrire tout ce
qu'il y avait d'importants à raconter : toutes les galères,
toutes les rencontres, les sentiments éprouvés... Nous avons
joué la transparence. On a tout dit, rien romancé."
-"Et quels ont été les pays qui vous ont le plus marqué?"
-"La France pour la beauté de ses paysages; l'Ukraine et la
Russie pour son accueil. Mais, en fait, chaque pays traversé a
laissé quelque chose en nous."
-"Referiez-vous ce parcours?"
-"Nous avouons que ça été beaucoup plus difficile
que nous le pensions. Ces quatre mois ont été un concentré
de bonheur et de malchances. Nous avons surtout souffert physiquement
les trois premières semaines; ensuite, nos jambes tournaient bien.
Quelques fatigues aux genoux lors des étapes longues ou en montagne.
Au bout de deux mois et demi, passés la communauté européenne,
le mental est très important pour continuer. Quelque chose se passe,
une étape est à franchir.
A chaud, on vous répond donc non, nous ne repartirions pas pour
le même trajet. Trop dur".
-"Avez-vous eu peur?"
-"Des gens, jamais; des intempéries, oui. Nous nous sentions
vulnérables."
-"Des regrets?"
-"Plus maintenant ! Nous rigolerons plus tard de toutes les péripéties.
Ces quatre mois en vélos sont une expérience unique et à
jamais gravé dans notre mémoire.
De plus, nous aurions été obligés de revenir en France
pendant notre parcours à cause des problèmes en Chine (émeutes
au Tibet, tremblements de terre meurtriers, manifestations contre la Chine
lors du passage de la flamme olympique, restriction de visa...). Nous
aurions fait une demande de visa à Almaty, l'ancienne capitale
du Kazakhstan et nous n'aurions jamais eu un visa de trois mois, le temps
nécessaire pour parcourir le pays en vélo. Un mois de visa
en août en Chine ne correspondait pas avec notre projet humanitaire
qui doit se dérouler en octobre. Dommage que nous n'avions pas
le soutien de notre cher Président de la République (en
référence à Paris-Pékin de la FFCT).
De plus, nous avons appris par SMS, par Arnaud, les 2 Olivier, trois gaillards
costauds qui nous devançaient, qu'ils en chi... énormément
au Kazakhstan : chutes à répétition dans le sable,
casses mécaniques, intempéries...
Nous serions partis en Avril comme c'était prévu au départ,
avec 2 mois de visas russes pour pouvoir entrer au nord du Kazakhstan
(plus habité, moins de sable), nous serions peut-être encore
sur les routes... Mais nous n'aurions pas connu tous ces gens fabuleux
rencontrés."
-"Faut-il finalement du courage pour se lancer dans une telle aventure?"
-"Oui, car notre vie quotidienne se résumait finalement à
maîtriser notre stress face aux intempéries, face aux animaux
(chiens, insectes...), se forcer à aller à la rencontre
des gens, ces inconnus. Partir dans un périple en vélo peut
s'avérer des fois être un combat. Vaincre ses phobies. Chapeau
à nos confrères de routes..."
-"Finalement, est-ce que vous étiez bien préparés
pour ce voyage?"
-"Des kilos en trop nous a manqué. Et nous avouons qu'une
préparation en pays étranger nous aurait aidé. Nous
avons peut-être payé de notre inexpérience. Le voyage
en vélo en France est très différent du voyage à
l'étranger. C'est incomparable."
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